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Une bien belle surprise.

Le 29 Juillet 2019 Chézeaux.

À l’entrée de Bourbonne-les-Bains je suis invité à prendre le petit-déjeuner et une douche chez Pierrette. La veille, sa fille Christelle et sa propre fille Lucie, sont venues me voir pour me demander si j’avais besoin de quelque chose. Christelle m’avait proposé de prendre une douche chez sa mère. Je me sentais incapable d’y aller ou plutôt sans motivation vu l’état de mon pied.
Il est huit heures du matin lorsque je me présente devant la porte. Je suis attendu. L’accueil est chaleureux et plein d’attention. Je suis très touché. Pierrette m’avait préparé une serviette et un gant de toilette. Je prends ma douche sur un pied pour ne pas trop mouiller le bandage de l’autre. Je me découvre des talents d’équilibriste. Une acrobatique gymnastique. Je me rase. Se raser m’apporte une sensation de bien être. Je me sens plus présentable. Et d’une certaine façon plus léger.
Je discute beaucoup avec Pierrette et sa fille. Très prudente au début Pierrette se laisse aller à des confidences. Elle est en confiance. Elle me parle entre autres de son mari absent de la maison. Il est atteint de la maladie d’Alzheimer et réside dans une maison spécialisée. Elle lui rend visite le plus souvent possible. Je sens bien que c’est difficile pour elle. Elle sait aussi qu’il ne retrouvera plus ses capacités mentales d’antan. Son allant. Leur histoire, c’est du passé. Elle en est consciente. Ne se fait plus d’illusion. Elle garde en elle, en mémoire, les meilleurs moments vécus avec lui. Elle ne veut pas les oublier. C’est essentiel pour éviter de tomber dans une déprime durable. Je la trouve courageuse. Très courageuse. Exemplaire.
Je regarde ma montre. Il est presque dix heures. Le temps est passé très vite. Je dois partir. C’est le matin que je marche le mieux. Là je suis en retard. En plus, je dois faire des courses. La fraîcheur matinale commence à se dissiper. La journée risque d’être une fois de plus très chaude. Je prends congé de cette famille. Je les remercie chaleureusement.
Nous voilà en route vers le centre ville. La révélation de Pierrette a provoqué en moi une introspection inattendue. Je me sens heureux d’être là en route avec ma Cabotte. Je suis heureux de profiter de chaque instant, d’avoir eu l’idée et la ténacité de mettre en place ce projet. Des ailes me poussent en dedans. Je me sens léger et invulnérable. Le monde m’appartient ; j’y suis bien. À ma place. Une sensation d’envergure si bénéfique pour la suite du voyage. Cabotte semble, elle aussi, profiter de mon énergie et de ma joie de vivre. Déjà cinq mois de vie commune et nous avançons toujours, lentement mais sûrement. Sabots et pieds à l’unisson. En bon rythme entreprenant. À trois kilomètres heure. Tout en sagesse. Merveilleuse Cabotte.
J’en ai oublié la gêne de mon pied. Il me titille encore mais rien de rédhibitoire. Un simple rappel à l’ordre, à la prudence. Je sais que quoiqu’il puisse m’arriver : je continuerai. Je l’affirme maintenant haut et fort. J’en ai l’indicible certitude.
– Eh ! Eh ! Jean-François ! Jean-François ! Cabotte ! Jean-François ! Cabotte ! Insistait une voix venue de je ne sais où.
– Eh ! Eh ! Jean-François ! Jean-François ! Cabotte ! Attendez !
Il s’agit bien de nous. Qui pouvait nous connaître en cette ville ? Qui ? On peut se reconnaitre dans un prénom ! Mais qui donc connait Cabotte ? Cabotte serait-elle devenue une star incontournable? Je me retourne. Je vois un homme tout sourire déployé, foncer sur nous, heureux de nous rejoindre. Enfin !
– Je suis Djamil, Djamil de Chatenois-les-Forges en Franche-Comté.
– Djamil !
– Oui Djamil le voisin de Jean-Pierre. Tu es venu manger chez nous. Voilà Ouria ma femme. Tu te souviens d’Ouria ?
– Excusez-moi. Je dois reconnecter tous les neurones. Je rencontre tellement de personnes depuis ces derniers mois. Je n’imprime pas tout. Je vais y arriver. C’est une histoire de concentration. Je ne suis pas très rapide à la détente. Je vais trouver.
– Tu étais chez Jean-Pierre et Cabotte dans un grand pré chez un paysan. Je suis venu plusieurs fois voir Cabotte. Elle est toujours en pleine forme. Elle est superbe.
– Ca y est ! J’y suis. Le couscous. Le fameux couscous d’Ouria. Je me suis régalé chez vous. J’adore le couscous. Vous m’avez fait plaisir ce jour-là. Quant à Jean-Pierre et ses copains je ne vais pas les oublier de si tôt. J’ai fais bombance pendant trois jours consécutifs. J’ai bu et mangé plus qu’il ne m’en fallait. Nous avons aussi beaucoup discuté dans la bonne humeur. Quelle rigolade. Un grand moment Franc-Comtois.
Je les ai invités à prendre un café. Ils se sont laissés tenter. Ils devaient se rendre à la cure thermale. Ils y avaient un rendez-vous et ne devaient pas être en retard pour leurs soins. Nous n’en revenions pas de nous être rencontrer en cette ville. Nous avions mathématiquement peu de chance de nous revoir. Une véritable coïncidence. Ils m’ont accompagné un moment jusqu’à ce que je trouve mon itinéraire. Un agréable et surprenant moment.

 

Nous arrivons à Chézaux. Un homme vient à notre rencontre. Une chance. Lorsque la chaleur est forte les gens se terrent chez eux. Volets clos. À l’ombre. C’est bien normal. Seuls quelques fous comme nous persistent à vagabonder hors du temps. Il nous accueillait sans même nous demander ce que nous faisions là à quinze heures sous la canicule. Il nous invitait dans sa grande maison familiale. Une lourde et longue bâtisse bien charpentée en plein village.
Je me laissais convaincre, assez facilement d’ailleurs, à rester en ce lieu. Nous nous sommes installés dans un vaste espace derrière l’entrée principale de la maison. Miracle il y avait de l’herbe pour Cabotte. Du trèfle à gogo par plaques éparses. Une aubaine. Elle s’est empiffrée comme une morte de faim. Elle adore le trèfle. Elle est gourmande. La gourmandise est un péché originel. Il me semble. J’espère qu’elle ne s’en fera pas péter le bide. Je ne voudrais pas qu’elle se transforme en cuve de méthane prête à l’explosion. Une scène horrible. Je la surveille de près. Rien à craindre
Je passe la fin de l’après midi tranquillement à me reposer. Je ne fais rien de spécial. Je me laisse aller. Je n’ai aucun but précis sinon apprécier le temps qui passe à vau l’eau.
De temps en temps Jean-Pierre et sa femme Catherine viennent me voir pour échanger quelques mots. Ils n’insistent pas plus que cela. Ils sont d’une grande discrétion. Ils me laissent à mes affaires.
En fin d’après-midi Jean-Pierre me fait visiter sa belle demeure. Cette maison a énormément de valeur pour lui. Il y a eu dans cette ancienne ferme plusieurs familles et générations sous le même toit. C’était très fréquent à l’époque. Chaque endroit est une histoire à lui seul. Il y a de multiples souvenirs liés à l’activité d’une ferme dans tous les recoins. Là, il y avait ceci dans une autre pièce autre vie dans un autre espace. J’essaie d’imaginer ce qu’il me raconte. Je suis certainement en deçà de la réalité. Les pièces sont encombrées de mille choses figées par le temps passé. Chaque outil abandonné ne demande qu’à être remis en main à celui qui l’a utilisé, il y a bien longtemps. Dans ma tête ces lieux revivent à travers ses descriptions et récits. Il y a encore du travail pour restaurer l’ensemble de la demeure. Catherine et Jean-Pierre s’y emploient depuis de nombreuses années. Ils ont encore de beaux projets devant eux.
– Je voulais une maison comme cela. Maintenant elle est à nous. Il nous arrive de temps en temps d’accueillir des personnes. Cette maison est ouverte à tous ceux qui passent près de chez nous. C’est une chance que je me sois hasardé dehors sous cette chaleur. Nous vous invitons ce soir à manger avec nous.
Une telle proposition ne se refuse pas. Et comme toujours je ne le regrette pas. Une belle soirée.

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