Une belle rencontre.
Le 17 Juillet 2019 Rupt-sur-Moselle.
Nous étions à la recherche d’un peu d’ombre lorsqu’une voiture s’arrêta à notre niveau. C’était Emilie une jeune femme très souriante et lumineuse. Elle s’informa rapidement, tout en restant au volant, de notre insolite présence puis me dit.
-Je veux bien vous accueillir. J’ai un jardin pour votre ânesse avec un peu d’herbe. Je ne suis pas propriétaire. Je vais lui téléphoner pour un accord. Donnez-moi votre numéro de téléphone je vous rappellerai. Elle allait au boulot et était très pressée. Environ deux heures après mon téléphone sonne. C’était elle. Elle confirme et m’indique un endroit à l’ombre où il y a de l’eau pour Cabotte. Super. J’ai de l’attente. J’en profite pour écrire quelques lignes.
Un peu plus tard elle me rappelle, me donne son adresse et me dit de m’installer dans le jardin. Je ne peux pas me tromper. Il y a des jouets d’enfant éparpillés à l’entrée de la pelouse.
Donc je rentre chez-elle. Elle a une sacrée dose de confiance ou d’insouciance pour nous accueillir ainsi. Sans nous connaître. J’installe ma Cabotte et lui donne des compléments alimentaires sous forme de granulés. L’herbe était plutôt rare.
La voilà qui arrive vers dix-sept heures trente. Toujours aussi souriante et pleine de fraîcheur. J’avais l’impression d’attendre quelqu’un de mon entourage. Elle est allée rendre visite à ma douce Cabotte. Celle-ci semblait l’apprécier d’entrée. C’était bon signe. Elle ne se trompe jamais. Lorsqu’elle a des doutes, elle tourne le dos à la personne et s’éloigne. Elle reste indifférente. Elle sait repérer les personnes foireuses. Là elle est allée à la rencontre d’Emilie sans retenue.
Nous préparons ensemble le repas du soir. J’ai de bonnes sensations avec Emilie. Nous ne perdons pas de temps. Nous communiquons rapidement sur des sujets divers.
Plus tard dans la soirée, mes textes nous permettent d’amplifier nos discutions. Je suis très heureux de partager avec elle quelques unes de mes lignes. Je ne demande pas qu’on adhère à ce que j’écris à cent pour cent, je souhaite simplement provoquer un début de réflexion. C’est tout. Je suis parfois très étonné de ce que mes textes peuvent provoquer chez les autres. Certains de mes aphorismes horripilent. Je m’en réjouis. Au moins je ne laisse personne sur le quai de l’indifférence.
Emilie quant à elle me renvoie ses impressions avec un vrai sens critique. Elle se positionne. Elle n’est pas toujours d’accord. Et c’est le but recherché. Un bien pour moi. On stagne avec des personnes qui pensent comme vous. On forme alors un clan, on se congratule, on se rassure, on se trouve génial, exceptionnel, on ne doute plus de soi, on a raison sur tout sans être contredit, etc. On a la certitude que les autres sont dans l’erreur, le mauvais choix, la mauvaise voie. On les considère parfois comme étant de parfaits abrutis pour ne pas dire des c… indécrottables. Mes aphorismes ne sont que des embrayeurs à relancer des idées. J’ai mis plusieurs années à les écrire. Certains ne sont plus d’actualité, surannés, mais à l’époque ils avaient le mérite d’être figés sur du papier. C’est le témoignage de ce que j’étais à ce moment-là. Un être en évolution. Une pensée est faite pour évoluer. Et, nous grandissons avec. Nous nous bonifions avec le temps. Enfin pour ceux qui le désirent et font l’effort de se regarder en face.
Nous partageons beaucoup de choses en allant à l’essentiel par voie directe. Sans se perdre dans des méandres inextricables. En peu de temps nous revisitons une partie de notre vie. Elle me parle entre autres de ses enfants, de l’éducation qu’elle leur donne. Elle semble savoir où elle va. Elle a des idées très précises sur ce sujet. C’est certainement une bonne maman. Ça se voit. Je le ressens. Je l’écoute. Ne donne pas mon avis. Elever des enfants (surtout les siens) est compliqué : c’est un métier prenant et parfois exaspérant. Les conséquences mêmes de notre propre éducation resurgissent en toile de fond. Je n’ai aucun conseil à donner. Je ne suis pas une bonne référence, n’ayant moi-même pas d’enfant. Mais je ne puis m’empêcher de lui dire en conclusion ce qui me semble la clé de toute éducation. Quelle qu’elle soit.
« Si tu ne sais pas dire non à tes enfants, tes oui ne seront jamais sincères » Message à méditer. Les excès de NON n’apportent rien de bon et de OUI non plus… À chacun de trouver le bon équilibre. Exercice de funambule ! Emilie me semble avoir trouvé le bon tempo avec ses enfants. Lorsque les parents ont des pratiques éducatives différentes voire opposées les enfants s’y perdent. C’était je crois un peu le cas d’Emilie. Ça a beaucoup joué lors de sa séparation avec son mari ou ami.
Emilie a du chien. C’est le genre de femme que l’on remarque par sa présence et sa façon de se comporter envers les autres. Elle inspire le respect. Elle ne séduit pas, elle est naturellement séduisante. Ce qui n’est pas la même chose.
Nous nous séparons à regret. J’ai dormi dans la chambre des enfants. Ceux-ci étaient chez leur père. Emilie travaillait le lendemain et moi je devais décoller comme tous les autres jours. Mais les discussions que nous avons eues en quelques heures valaient un concentré de plusieurs années vécues. C’était incroyable comme impression.
Le lendemain je me suis levé tôt pour ranger mes affaires. Emilie s’est préparée pour aller bosser. Nous avons pris le petit-déjeuner ensemble.
Avant de partir elle m’a pris dans ses bras comme si nous nous étions connus depuis toujours. Comme si nous étions des amis. C’était très fort et en même temps très déstabilisant en ce qui me concerne. J’ai mesuré d’un coup le poids d’une certaine solitude et lassitude. Je l’ai compris à travers la présence d’Emilie. Elle m’a laissé les clés de sa maison. Je n’avais pas terminé de bâter Cabotte. Ensuite j’ai ramassé les crottes de celle-ci dans le jardin. J’en ai remplies un seau ! Elle a un bon transit intestinal la Cabotte. Bravo, encore un boulot supplémentaire pour ma pomme. Elle a laissé beaucoup de souvenirs chez Emilie. C’est très bon pour les plantes.
Nous somme repartis en silence d’un bon pas. La tête un peu ailleurs. Au bout de quelques minutes Cabotte se rapproche de moi puis me dit.
– Elle est sympa Emilie tu ne trouves pas ?
– Sûr qu’elle est sympa. J’ai passé un bon moment avec elle.
– Tu crois qu’un jour on la reverra ?
– Je ne sais pas. J’aimerais, mais nous ne faisons que passer. Nous avons, en cette belle soirée, donné le meilleur de nous-mêmes. C’est la force des rencontres éphémères. L’impact d’une telle rencontre laissera des traces dans nos têtes. C’est certain. Quant à la revoir un jour je n’en sais rien. Comme je te l’ai déjà dit nous ne faisons que passer. Comme les nuages. Ils se vident et disparaissent.
– Vous savez, ô mon bon Maître, elle m’a pris la tête dans ses bras ce matin. Jai beaucoup apprécié. J’ai même entendu son cœur battre tout contre moi.
– Je sais je vous ai vues. C’était trop personnel comme relation. J’avais l’impression que vous communiez vos énergies. C’était très beau à voir.
– Elle est vraiment bien cette Emilie.
– Je ne te le fais pas dire, ma Cabotte.
Cabotte s’est laissée glisser derrière moi. Nous avons continué notre route en pensant à autre chose. Une journée bien chaude s’annonçait.