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Un repos bien mérité.

Les 25 et 26 Juillet 2019 Lamarche.


Après une fin de nuit à chasser les fourmis, s’annonce une impitoyable journée de dur labeur. À huit heures du matin la chaleur est déjà là. Intense. Pas un souffle de vent. Rien ! C’est intenable au bout de deux heures de marche. Les chênes étaient en stress hydrique. Quelques feuilles éparses et recroquevillées séchaient sur leurs branches. Ça devient sérieusement un problème. Le moral vacille. Encore une fois de plus.
Je regarde ma Cabotte. Je ne décèle en elle aucune expression de lassitude. Elle affronte la situation avec beaucoup d’abnégation et de courage. Je commence à avoir quelques doutes sur la pertinence de marcher ainsi comme des tarés sous une chape de plomb. J’interroge ma Cabotte pour me redonner de l’élan. De l’envie.
– Alors ma douce Cabotte comment vas-tu ce matin ?
– Comme vous, ô mon bon maître. J’avance car il faut bien avancer. Si tous les jours ressemblent à ce que nous vivons depuis plus deux semaines nous allons finir séchés comme des harengs fumés.
– Des harengs fumés !
– Ou séchés. C’est comme vous voulez. Ce n’est qu’une image réaliste de notre futur proche. Il ne restera de nous que la peau sur les os.
– Tu as l’air de t’y connaître en hareng fumés ?
– Ô mon bon maître, je sais beaucoup de choses ! Vous savez bien que je communique par télépathie avec mes frères de tout l’hexagone. Certaines consœurs bretonnes, de braves et endurantes collaboratrices, les transportaient dans des paniers en osier pour les vendre sur les marchés locaux. Quant aux harengs en boîte, il me semble que vous en consommez beaucoup trop en ce moment. Le hareng, je connais. Surtout son odeur. Je déteste.
Je reste dubitatif face à cette histoire rocambolesque et incohérente de harengs fumés. Comment pouvait-elle savoir que j’en consommais jusqu’à l’écœurement ? Je me demande sérieusement si sous cette chaleur accablante nous n’étions pas en plein délire. Nous étions hors sujet. Sur tout.
– Ma douce Cabotte j’ai l’impression que tu as dû, non pas fumer du hareng séché, mais brouter quelque chose qui t’a retournée l’esprit.
– C’est exact. Il y avait sur un talus du cannabis bien en évidence. Prêt à l’emploi. Je l’ai ingéré avec délectation et les effets bénéfiques ont été immédiats. Le T H C était très apaisant et naturel ma foi.
– Le quoi ?
– Le TétraHydroCannabino.
Voilà ma douce Cabotte spécialiste des stupéfiants. Je me demande si elle ne confond pas avec la datura, plante commune présente sur nos talus, connue sous les noms de l’Herbe du diable, l’Herbe aux sorciers, l’Herbe des magiciens et de bien d’autres choses. Une herbe magique en quelque sorte.
Le phénomène hallucinatoire de Cabotte m’interrogeait au plus haut niveau. Que se passait-il ? La fatigue certainement… Que faisions-nous là sur cette route?
– Cabotte nous allons nous arrêter une journée. Ce n’est plus possible. Il nous faut nous reposer.
– Ce n’est pas trop tôt. Enfin une bonne résolution. Une bonne idée. Vous êtes un peu long à la détente à comprendre. Ô mon bon Maître nous n’auriez pas par hasard fumé un bon joint de derrière les fagots ?
Je ne réponds pas. Je ne sais plus qui des deux est le plus mal-en-point dans cette histoire.
Nous arrivons à Lamarque. Monsieur le maire nous installe sous les arbres sur un vaste espace en centre ville. C’est déjà plus rafraichissant. J’en profite pour prendre rendez-vous avec un maréchal-ferrant pour un contrôle des sabots de Cabotte. Ils me paraissent en bons états mais j’ai besoin de l’avis d’un professionnel pour me rassurer. Il viendra en fin d’après-midi. Une chance pour moi d’en trouver un de disponible très proche de Lamarque.
Avant son arrivée j’en profite pour ausculter ma Cabotte. Je la brosse méticuleusement afin de rechercher une éventuelle blessure ou anomalie. Rien. Ensuite je lui masse le cou et le dos. Les muscles son durs et tendus. Une belle musculature. Elle aime les massages. Elle en a, elle ; moi pas. Quelle chance ! Des massages voyons. J’en aurais bien besoin d’un. Un tout en profondeur et délicatesse.
J’étais content de n’avoir rien remarqué de préoccupant. Elle était en bonne santé et en super forme. Une athlète de haut niveau. J’étais surpris et heureux de l’avoir emmenée ici en cet état.
Je venais juste de terminer de m’occuper d’elle lorsqu’elle s’est retournée puis, par inadvertance, m’a écrasé le pied droit, juste au niveau des deux plus petits orteils et un peu plus haut sur le côté. J’ai hurlé de douleur mais aussi de peur. Peur de m’être cassé quelque chose. Peur de compromette notre aventure. Un accident idiot. J’étais en claquettes donc sans protection. Heureusement près de l’endroit où nous nous trouvions il y avait un robinet d’eau froide. J’ai laissé couler l’eau sur mon pied un bon moment pour éviter le gonflement de celui-ci. Un hématome. J’étais fou de rage. Je remuais mes deux orteils. En principe rien de cassé (c’est la théorie) mais j’avais une douleur lancinante et aigüe. Très insupportable et embarrassante. Cabotte me regardait sans ne rien comprendre à ce qui m’arrivait. Elle n’y était pour rien. Je ne l’ai même pas engueulée. Je m’en voulais vraiment. Une journée de repos sera-t-elle suffisante pour repartir ?
Le maréchal-ferrant est venu en fin d’après-midi. Il a uniquement paré les sabots de Cabotte. Il a confirmé qu’ils étaient parfaits malgré la distance parcourue. Usure naturelle. Je pouvais reprendre la route sans souci. Tout comme le premier maréchal-ferrant il n’a pas voulu que je le paie. Il s’est contenté de boire un demi au café du coin. Il m’a félicité pour l’état général de l’ânesse. J’étais assez content de moi. Certes en retenue. Mais en réalité très fier. Faut dire que je ne suis pas un spécialiste ânier. Mais j’apprends vite.
Je me suis bien gardé de lui dire qu’elle m’avait écrasé le pied. Demain sera un jour nouveau. Il tombe bien celui-là. J’ai nettoyé et désinfecté mes deux orteils écrasés et les ai immobilisés avec de l’Elastoplast. J’ai ensuite protégé mon pied en enfilant difficilement une chaussette. C’était inconfortable mais efficace.
Le soir j’ai été invité à manger une omelette aux cèpes chez Marie-France et Patrick. Ce dernier est venu me chercher en voiture. Il s’était présenté en fin d’après-midi et m’avait demandé si j’avais besoin de quelque chose. Je n’avais besoin de rien. Alors il m’a proposé d’aller chez lui. Ils habitaient à l’extérieur de la ville. J’en ai profité pour prendre une douche. Une sale journée au sens figuré et propre du terme qui se termine plutôt bien.
Demain repos.

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