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Un départ encourageant pour une arrivée plutôt déstabilisante.

Le 30 Juillet 2019 Marcilly-en-Bassigny.


Une balade ombragée propice à la flânerie.

Un délice. C’est tellement énergisant que l’on en prolongerait le ravissement à l’infini. Ces instants doivent être vécus quand ils sont là. Jamais à contretemps ou différé. L’intensité ne durera qu’un temps. Ne les négligeons pas. Je me laisse envahir par vagues successives. Je respire lentement de frêles et douces senteurs venant des sous-bois. Les odeurs affleurent en finesse et subtilité. La nature sent la pierre chauffée et la terre brassée et retournée. Cabotte a les naseaux grands ouverts. Elle est aussi en éveil. Un bon moment ensemble, indescriptible et muet. Il ne faut jamais passer à côté de ce qui nous est offert gratuitement. J’en profite. Nous en profitons.


Nous avons atteint le village de Marcilly-en-Bassigny sans nous en rendre compte. Un étrange village visiblement délaissé dû certainement à la désertification rurale. Il y avait des maisons à vendre plus qu’ailleurs. C’était frappant. Ce constat m’interroge mais ne me surprend pas. Le monde rural perd dans certains endroits ses forces vives. Sa jeunesse. Elle s’expatrie si l’on peut dire ou s’exporte vers les grandes communautés urbaines. Là où se trouve le travail. Souvent à regret. Surtout pour ceux dont l’enracinement est le plus profond culturellement. Partir c’est changer durablement de décor. Une nouvelle vie ! Pour quelle vie ? Est-ce subi ou au contraire voulu et assumé ? Lorsque tu pars ainsi tu ne sais jamais ce que tu vas trouver ailleurs. Et quand tu reviens au pays comme on dit ; tu n’es plus chez toi. Tu deviens un étranger. Tu as perdu tous tes repères. Les gens ont continué de vivre sans toi. Ils se débrouillent très bien sans toi. C’est hélas la frustrante réalité.


Nous allons nous arrêter. C’était notre destination du jour. J’aperçois la mairie et me dirige vers elle. La secrétaire de mairie m’accueille. Je lui expose mon intention. Elle m’indique que justement le maire était là. Il travaillait avec une autre personne sur un dossier visiblement important et très prenant. Il réfléchit un moment puis me propose de m’installer en dessous de la mairie. L’ancienne école du village. C’était le lieu le plus adéquat car il y avait du terrain pour Cabotte et de l’eau à proximité.
Le terrain était brûlé. Je donne des granulés à Cabotte pour compléter le peu d’herbe qu’il y avait. Heureusement que la veille elle s’était goinfrée de verdure. L’herbe se fait de plus en plus rare. Nous en trouvons encore aux bords des sentiers, dans les sous-bois, sous quelques arbres, dans quelques endroits encore humides près des ruisseaux et des points d’eau. Je reste vigilant pour avoir toujours des granulés pour elle. Elle est certes amaigrie (comme moi) mais affutée comme une athlète aguerrie. Sa robe étincelle sous le soleil et ses sabots sont en bons états. Ce sont des signes qui ne trompent pas. Elle est en bonne santé. D’ailleurs, les premiers regards que portent ceux qui s’approchent d’elle s’arrêtent sur sa tenue générale. Ensuite ils commencent à amorcer une discussion.
Je m’installe sous le préau. C’est triste une école à l’abandon et sans élève depuis certainement bien longtemps. De l’herbe folle, aujourd’hui sèche, a poussé entre les fissures de la dalle en béton de la cour de récréation. Les murs ont cessé d’être accueillants. Aucune trace de vie d’antan. Décor déprimant d’une grande décrépitude. J’imagine alors des enfants se courant après en gesticulant de grands cris désordonnés. Des bagarres et des jeux de ballons s’entremêlent avec détermination et rugosité. Dans un coin un petit groupe se constitue, très affairé à débattre de choses très sérieuses. À cet âge tout a une importance capitale. Les adultes n’y comprennent rien. Ils n’y sont pas conviés. Ne leur confiez rien aux adultes. Ce sont vos histoires, vos joies, vos codes, vos complicités et aussi le sens d’une certaine justice entre vous. Ça fuse de partout dans une confusion générale. Une cacophonie joyeuse.
Je reviens sur terre après cet intermède nostalgique. Ici rien de cela. L’après midi est insipide et sans intérêt. Je sens une ombre d’ennui m’envahir. Elle m’enveloppe jusqu’à me rendre inopérant et indisponible. Le village ne m’inspire guère à me bouger plus que cela.
De plus en fin d’après-midi, le berger allemand du voisin ne semble pas apprécier la présence de Cabotte. Il ne cesse d’aboyer sans raison en courant agressivement dans tous les sens dans son jardin. Le propriétaire sort de chez lui furieux ; l’engueule comme un chiffonnier ; le chien se calme un temps puis lorsque le propriétaire rentre chez lui : rebelote. Il se remet à hurler. Ce manège dure un bon moment et cesse à la tombée de la nuit. C’est affligeant. Heureusement, personne ne se plaint dans le voisinage. Y a-t-il encore des habitants dans ce village ? Personne ne bouge. La tolérance a ses limites.
J’ai hâte que la nuit s’achève pour repartir vers de nouveaux horizons plus hospitaliers.

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