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Un clin d’œil à l’agneau Pascal.

Le 21 Avril 2019 Blandas.

La nuit a été bonne et le ciel est engageant. Nous partons vers le cirque de Navacelles. Il fait beau quand nous traversons le causse. Un moment de plénitude dans ce chemin équestre au beau milieu de nulle part. Le chemin est plat, tourmenté, nous n’avons pas à fournir d’effort pour avancer. Nous évoluons dans un paysage semi-désertique parsemé de pierres et de bosquets de buis. À noter par endroits les dégâts irréversibles causés par la pyrale du buis. Buis aux feuilles anémiées ou sans feuilles déjà. Il y avait aussi des parterres de fleurs, des jonquilles je crois et des bleues dont j’ignore le nom.

 

J’appréciais ce moment. Un vent chaud et léger nous effleurait le visage. Une sensation de bien-être, heureux d’être sur cette planète à ce moment là. Le temps freiné. Cabotte marchait tranquillement à mes côtés. Je partageais cet instant de grâce avec elle. J’entendais son souffle régulier. Une sorte de présence apaisante. Ce moment dura près de deux heures de pur bonheur. Je me sentais bien vivant. En chair, en os et en esprit. La totale.

 

Nous approchâmes du cirque de Navacelles. Un site imposant et magnifique niché au cœur d’un espace inscrit au Patrimoine Mondial de l’UNESCO. En bas se trouve le petit village de Navacelles.


J’ai cherché et trouvé le sentier des facteurs ou des mules qui descend à flanc de falaise. Impressionnant comme chute dans les abysses. Un dénivelé important de 300 mètres pour atteindre le village de Navacelles. Ça va être du sport.
Je regarde Cabotte avec une certaine anxiété.
– Tu te sens en forme pour descendre ?
Elle se fâche.
– Si les mules descendent je dois pouvoir le faire.
Elle a raison. Si les mules descendaient dans le temps pourquoi pas elle ? Elle m’a démontré à plusieurs reprises son courage et sa dextérité sur des sentiers raides et accidentés.

Et nous voilà partis après avoir réglé la bricole pour que le bât ne glisse pas vers l’avant. Je ne suis pas très serein. Je reste devant à une distance importante de Cabotte. Je surveille mais n’interviens jamais. Elle avance avec précaution et régulièrement. C’est une ânesse, encore une fois je le pense et le dis : exceptionnelle. Il y a eu des passages très serrés. J’avais peur qu’elle accroche une sacoche et que par ce fait se retrouve déséquilibrée et projetée dans le ravin. Rien de cela. J’étais soulagé et content d’arriver en bas sans souci.
Bravo ma Cabotte.
Le bât n’avait pas bougé. Mon chargement à défaut d’être esthétique était bien en équilibre sur son dos et solidement arrimé.
Bravo à moi-même. Puisque personne n’est là pour me le dire. C’est une évidence pour Cabotte. Elle reste muette. Une évidence n’est jamais extraordinaire puisque c’est clairement évident. Rien d’exceptionnel en quelque sorte.

 

Je regarde le ciel. De gros et lourds nuages homogènes se traînent dans le ciel. Il va pleuvoir. Le sentier qui doit nous amener en haut du cirque de Navacelles est aussi voire plus raide que celui que l’on a descendu. Il commence à tomber quelques gouttes. Je décide de prendre la route. Un sentier aussi escarpé que celui-là est très dangereux. Les dalles en pierre deviennent glissantes et impraticables pour Cabotte. Je ne veux pas prendre le risque de nous mettre en difficulté une fois de plus.

La route est longue pour arriver en haut. Deux heures trente de marche. Cabotte a un coup de mou. Plus de six heures de marche au compteur. Je la comprends moi aussi je fatigue. Maintenant la pluie tombe à gouttes de plus en plus rapprochées.
Enfin en haut ! Il y a bien un restaurant. Il est bondé de personnes qui font la fête. Il pleut maintenant. C’est désagréable la pluie quand tu marches. Je décide d’aller plus bas à Blandas.

Je cherche un endroit en dur pour moi. La tente est encore mouillée de la veille. Je vais dans l’unique restaurant du village pour casser une croûte et boire un verre de vin rouge. Je suis trempé et je commence à avoir froid aux articulations. Les articulations n’aiment pas l’humidité. Je demande s’il y a une possibilité de trouver un endroit pour moi et Cabotte.
La personne du bar me dit que tout est pris dans les environs. C’est le lundi de Pâques et les vacances scolaires. Il n’y a pas un seul endroit pour me loger.
La patronne est aux fourneaux. Son associé ou collègue au bar lui expose mon problème. Elle vient me voir et me confirme qu’il n’y a plus rien dans le village.
– Je vous dis plus de place dans les gites, les chambres individuelles, chez l’habitant. Rien.
– Je suis très mal, ma tente est mouillée, j’ai froid et aucun espoir de trouver même un abri de fortune. Je ne suis pas exigent vous savez, j’ai l’habitude, il me suffit de peu de chose. Je ne fais pas dans le luxe. De plus je suis très bien équipé contre le froid.
Elle appelle par téléphone plusieurs personnes de son entourage et du village. Rien. Pas de possibilité. Je suis vraiment dans la mouise. Elle se démène pour moi. Je vois bien qu’elle veut me trouver une solution.
– Il y a un endroit dans le village. Une sorte de hall d’entrée suffisamment grand pour vous abriter pour la nuit. Vous pouvez vous installer là. Quant à votre ânesse elle peut brouter après l’aire de jeux des enfants.
J’étais heureux de cette solution. Je commençais à m’installer quand je la vois revenir. J’ai trouvé mieux pour vous. Elle m’a emmené près d’un bâtiment communal et m’a montré un recoin bien à l’abri du vent et de la pluie. Encore mieux que l’autre solution. De plus je pouvais surveiller Cabotte. Le top pour un sinistré du temps qu’il fait.

L’affaire ne s’arrête pas là. Alors que je commençais à préparer ma tambouille, elle réapparaît comme par enchantement. Elle m’apportait une cagette avec dedans ô miracle : une assiette de flageolets, de l’agneau du causse de Blandas fourré à l’ail des ours et un quart de vin rouge, plus une sorte de fromage blanc avec un fond de crème à la châtaigne pour le dessert. Je ne sais comment la remercier. Cette fin de journée qui s’annonçait si mal, se termine en apothéose. La soupe à la semoule de blé ce n’est pas pour aujourd’hui. Ça cale bien mais ce n’est pas très ragoûtant.
Je mange tranquillement en regardant ma Cabotte. J’adore les flageolets. Elle les cuisine merveilleusement bien. Ce n’est pas par hasard que son auberge du Blandas tourne à plein régime même en semaine. Elle est connue dans le coin.
Le vin me tourne la tête. Et devinez qui fait son apparition. Modestement certes, mais suffisamment pour me donner de l’espoir pour le lendemain. Le soleil !
Le lendemain un jeune homme que j’avais croisé la veille m’apporte dans un bocal de confiture fermé un bon café bien fort et chaud. Formidable.

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