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rencontres saisissantes

Le 27 Mai 2019 au matin: Grenoble.

Nous voilà dans la descente vers Grenoble.

Je prends les sentiers dans la mesure du possible. Je cherche très souvent et trouve difficilement mon chemin. Il y a des sentiers partout. Mon GPS me guide à merveille et surtout m’indique quand je me trompe. Je reste donc vigilant.


Je m’arrête devant une belle maison. Le chargement de Cabotte était mal équilibré. Un homme sort de chez-lui. Il engage tout de suite la discussion. Il m’offre un café, des gâteaux secs et plus encore. Il aurait vidé ses placards pour me faire plaisir.
Je rebâte Cabotte en étant plus méthodique. Il y avait beaucoup de descente encore. Il se propose de m’accompagner. Il connait bien les chemins et les sentiers pour aller sur Grenoble. Je lui fais confiance. J’aurais moins à chercher.
En chemin il me raconte son histoire professionnelle. Il était à l’origine fraiseur tourneur dans une usine. Un jour il change d’orientation professionnelle et devient infirmier. Il se spécialise et travaille en chirurgie dans le bloc opératoire. Il parlait de son métier avec passion. Encore à la retraite il y pense fréquemment. Lui ce qu’il aimait c’était de recevoir des accidentés polytraumatisés à reconstituer. Un travail d’équipe sous la houlette d’un chirurgien. Il m’expliquait qu’il se trouvait dans un état second et d’une grande lucidité. C’était de la mécanique réparatrice basique et son travail d’ajusteur lui a été très utile. Il a inventé et usiné des outils très précis pour les chirurgiens. C’était un créatif pragmatique en recherche constante. À mon avis un être rare. Il le portait sur lui. L’avait en lui.
– J’ai aimé mon métier. J’étais heureux d’aller travailler. Chaque jour avait son lot de surprises. L’adrénaline me manque aujourd’hui. Un chirurgien avec une bonne équipe c’est primordial. Tu sais, un chirurgien a besoin de plus de dix ans de pratique pour atteindre une aisance et savoir faire face aux imprévus. Alors si tu n’as pas une bonne équipe autour de toi, t’es mal. En tant qu’ancien j’avais une certaine notoriété. En gros j’avais vu ou déjà vu certaines choses. Donc j’avais une certaine connaissance et beaucoup d’expérience. Je suis toujours resté à ma place en tant qu’infirmier mais il arrivait qu’on me demande un avis lorsque les choses ne tournaient pas comme prévues. J’apportais ce que je savais. Et on m’écoutait. C’était très gratifiant pour moi. J’anticipais beaucoup les actes à réaliser ce qui laissait beaucoup de temps et d’espace au chirurgien pour se consacrer et se concentrer uniquement à sa tâche. C’est ça l’avantage de l’âge.
Un jour je suis parti à la retraite. J’aurais bien continué. Je me sentais encore en pleine forme et toujours performant. J’ai mesuré alors la chance que j’avais eu de faire ce métier. Si certains partent à la retraite en courant, moi je suis parti en traînant les pieds. J’aimais mon métier. J’avais connu beaucoup de satisfactions. J’étais à ma place. Et reconnu.

C’est alors que nous avons croisé sur un large chemin une horde, un troupeau, que dis-je une déferlante de chiens accompagnés de mains de maître par un jeune couple. Je n’ai jamais vu autant de chiens de races mêlées : des mâles et des femelles, des insignifiants, des grands, à poils longs, à poils courts, des frisés, des moches et des moins moches, des racés, des déclassés, des bâtards, des rigolos, des rêveurs, des.. que je n’avais jamais vus, etc. Ils étaient guidés à la voix par leur nom. Il y en avait au moins une cinquantaine. Il faut une bonne mémoire. Ils couraient tous ensemble et formaient une certaine unité. Un chien devant les menait au pas de course. Ce devait être le chef. Pas de doute. C’était impressionnant de maîtrise. Il fallait avoir une bonne santé pour trimballer tout ce beau et remuant monde dans une certaine cohérence et discipline.
Cabotte et moi nous nous sommes mis en retrait pour les laisser passer. Cabotte ahurie ne bougeait pas. Elle aussi n’en avait jamais vu autant. L’infirmier avait saisi son chien et le tenait dans ses bras. Ils sont passés joyeusement et sans difficulté devant nous. Sauf un. Un petit ridicule à poils courts. Dès qu’il a vu Cabotte il a fait demi-tour. Il a dû avoir peur. Il courait à fond sans se retourner malgré les nombreux appels insistants des deux personnes qui menaient cette troupe hétéroclite. Face au risque de le perdre ils ont décidé de faire demi-tour. Celui-ci fut exécuté en un rien de temps. Et tout le monde dans l’autre sens… à l’unisson sans un incident.
Quand les deux personnes passent devant nous elles nous disent qu’ils les sortent tous les jours et vont par les sentiers les promener durant deux heures environ. Quel chantier ! Ce sont certainement des éleveurs de chiens. Ces derniers respirent la santé et la joie de vivre.
Ce sont des professionnels à qui l’on peut confier ses chiens. Ils ont du savoir-faire. Une telle maîtrise collective est exceptionnelle. Du jamais vu en ce qui me concerne. Nous sommes médusés et admiratifs de ce travail de longue haleine et de patience.

Nous quittons l’infirmier juste au-dessus de Grenoble. Il m’a orienté de façon à ce que je puisse traverser Grenoble sans trop me prendre la tête. C’est assez simple. Il y a partout des pistes cyclables. Nous les empruntons sans gêner personne. La traversée est longue et monotone. Je prends conscience du bruit constant dans une ville. Rien n’entrave notre progression. Un jeune me paye un café. Un commerçant me donne son invendu de carottes pour Cabotte.

Ensuite nous remontons de l’autre côté vers Corenc. La montée est rude au départ. Il fait chaud et lourd. Il est déjà 16 heures.

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