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Quand les muets se mettent à parler.

Le 15 Avril 2019 dans un lieu improbable.

La journée est calme mais le ciel s’obscurcit en début d’après-midi. Très rapidement, la tente étant sèche, je cherche un endroit pour nous arrêter. Je demande à un monsieur qui bricolait dans son jardin s’il avait un bout de terrain pour nous. Il me montre du doigt un endroit près de la rivière et se remet au travail tout naturellement.
– Tu crois que c’est le bon endroit pour la nuit, me dit Cabotte pas très rassurée.
– Nous n’avons pas le choix. Il va pleuvoir dans peu de temps. Je veux être au sec cette nuit. Sinon je vais choper la crève.
– Et moi, tu ne me demandes pas si je vais avoir froid cette nuit.
– Ma petite Cabotte, tu as la peau épaisse d’un éléphant et le poil long d’hiver sur le dos. Tu dors debout et tu n’as pas peur de la nuit.
– C’était juste une question. Je voulais seulement savoir si tu te souciais de moi. L’herbe est haute et grasse, ça me convient.

Il a plu toute la nuit. Le réveil va être rude. Je suis bien sous ma tente. J’attends le moment le plus propice pour en sortir. Je range méthodiquement un maximum d’affaires dans les sacs étanches. Une accalmie et me voilà dehors. Il pluviote encore. J’enfourne la tente mouillée dans son sac. Je la sècherai plus tard. Je bâte Cabotte. La pluie est de plus en plus dense. Le propriétaire vient me voir.
– Vous avez passé une bonne nuit ?
– Je crois bien. J’étais au sec. J’ai du bon matériel vous savez. C’est la vie.
Et le voilà qui se met à me poser mille questions. J’enfile ma cape de pluie difficilement. Il avait juste à tirer le bas de la cape pour m’aider à la mettre en place. Je bataille et m’énerve. Il continue à me parler. Il se rattrape d’hier. Hier était un autre jour. Hier il était muet. Hier ne devait pas lui convenir. Hier il était accaparé par son travail. Il a eu la gentillesse de me prêter son bout de terrain. Je lui réponds laconiquement. Je n’ai pas le temps de disserter de la vie, de ses contraintes et contrariétés. Il faut partir au plus vite. Marcher pour se réchauffer. Voilà ce qui m’obsède. Les épaules et le dos s’alourdissent. Il nous faut partir.
Cabotte vient à mon secours.
Elle tire sur sa longe comme une malade. Comme ces enfants qui arrachent les bras de leurs parents en insistant lourdement quand ils veulent obtenir d’eux une quelconque faveur.
– Au revoir et merci encore, criais-je au bonhomme qui n’eut même pas le temps de me rendre son salut. Cabotte accélère comme si elle avait, comme on dit, le feu au cul. Elle comprend tout cette Cabotte.
– Qu’est- ce que tu crois. J’ai bien vu qu’avec toi, nous n’aurions pas décollé de la matinée. Il faut s’imposer quand c’est nécessaire.
– C’est bien vrai ma Cabotte, répondis-je en me moquant d’elle. C’est ça la solidarité entre une ânesse et son maître.

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