Quand le silence interroge.
Le 01 Septembre 2019 Bert.
Un bon petit déjeuner dans le ventre et nous revoilà sur les chemins et les routes. Aujourd’hui, 1er septembre, j’ai l’impression que nous avons franchi un nouveau cap. Septembre pour moi, c’est la fin de l’été.
Les jours maintenant allaient décliner par poignées de minutes, ça voulait dire aussi que dans moins de trois mois nous étions rentrés à la maison. Je marchais confiant et heureux juste à l’idée d’y penser. Pourtant au bout de quelques kilomètres j’ai eu l’impression de patiner dans le vide. Ma tête se vidait de sa substance grise. C’est bizarre et incompréhensible cette sensation. J’attribue cela à une certaine lassitude du temps qui passe sans réels remous, une platitude s’installait inexorablement en moi. Tout allait trop bien. Aucun souci majeur. Certains s’en contenteraient avec joie ; moi, en cette matinée, il me fallait des imprévus, des sauts d’obstacles, des piqûres de rappel. J’avais besoin d’être bousculé.
Ce n’est pas la première fois que je ressens cette sensation de vide. Il m’arrive même de la rechercher de temps en temps. Mais là, elle m’était imposée à mon insu. Je décide donc de réactiver mes neurones en me reprenant en main si je puis dire. En me remettant la tête à l’endroit. En jouant à me faire réfléchir pour appréhender le vide à ma manière.
Qu’est-ce que le vide ? Ne pouvant en avoir une définition philosophique et scientifique au sens académique du terme, je devais donc en définir une. La mienne. Je ne pouvais pas me référer à toutes ces éminences grises, lues, reconnues et approuvées par une bonne poignée d’irréductibles en manque ou en recherche de connaissance. C’était leur job. Eux brassaient des mots, des idées avec une certaine aisance, adresse, intelligence et évidente jouissance intellectuelle. Cette attitude controversée, aléatoire et fluctuante ne pouvait me satisfaire totalement. Il me fallait donc chercher en moi, dans ma propre existence pour me faire une ébauche d’idée. Une introspection fort utile adaptée à ce que je vivais en ce jour.
Me voilà donc pris dans la spirale du vide. En l’explorant en moi, j’ai découvert assez rapidement que celui-ci pouvait être à l’extérieur de ma propre personne. Voulant le comparer avec le néant je me suis aperçu que cela n’avait aucun rapport. Ils ont une entité propre. Ce qui les différencie est assez simple. Le vide est contenu dans un espace délimité. Un contenant. Il a une frontière avec le reste, l’existant. On peut donc remplir un vide, créer du vide, vivre sous vide si on le désire. Quant au néant il est incommensurable, insondable, il n’a pas de limites. Il est en expansion perpétuelle. Il se perd dans l’infini. Vouloir le combler est peine vaine. Nous n’avons aucune emprise sur le néant. Celui-ci n’est rien. C’est son triste sort. Son drame. Une énigme céleste.
Cette histoire n’est qu’un jeu sans prétention, une gymnastique des neurones pour que mon cerveau puisque garde sa plasticité. Un peu comme quand on malaxe une pâte à pain pour lui donner homogénéité et bonne consistance. C’est sain et salutaire lorsque le temps semble s’être arrêté. Cela peut prendre beaucoup de temps.
Après quelques heures de marche je tombe sur un endroit idéal pour Cabotte. Il y avait une langue de verdure. Un homme travaillait dans son jardin. Je l’interpelle, il lève la tête.
– Puis-je m’installer ici pour la nuit ?
– Vous pouvez. Réponse laconique et définitive assez déroutante. Il a repris son activité comme s’il ne l’avait jamais quittée. Il est venu plusieurs fois me voir, mais sans réellement s’arrêter. Il ne faisait que passer. Il ne m’a posé aucune question. Etrange. Rien. J’ai juste su qu’il était à la retraite et qu’il avait été maçon toute sa vie. Rien d’autre. Il n’était pas bavard. J’ai respecté son silence par un autre silence. Que pouvais-je donc faire d’autre ? À ma demande, il m’a autorisé à prendre de l’eau chez lui pour Cabotte et moi.
Le lendemain il m’a offert un café et donné deux pommes. Toujours aussi silencieux.
– Au revoir et bonne route, m’a-t-il dit.
C’est vraiment particulier, il ne savait pas d’où je venais et où j’allais. Un être aussi peu curieux est rare. Un exemple !