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Quand la parole se libère !

Les 17 et 18 Mai 2019 Beaufort-sur-Gervanne.

La route empruntée est sans complication majeure. Nous marchons en déroulant nos pas dans des chemins larges et caillouteux. Rien de comparable avec hier. Il nous faut récupérer des efforts intenses de la veille. La mise en route me concernant fut laborieuse, quant à Cabotte elle est visiblement en forme. Le temps est mitigé et risque de se gâter en soirée. Nous ne sommes pas pressés. Nous en profitons pour réaliser un bilan des deux mois et demi de notre périple.
– Alors Cabotte comment te sens-tu ?
– Bien, je suis de plus à l’aise sur les sentiers et les gués me font moins peur. J’ai quelques appréhensions mais je passe. Je ne saute pas de joie quand je vois un gué. Mais je le traverse en te suivant de près. Je te fais confiance. L’eau m’a toujours effrayée.
– C’est bien. Je vois que tu fais des efforts. Moi je suis sidéré par ta puissance dans les montées et ton adresse dans les descentes.
– Je te remercie mon bon Maître. Nous les ânes, nous pourrions résumer ainsi nos qualités. Nous sommes prudents, puissants, adroits, endurants et fidèles. Nous expérimentons tout ce qui peut être nouveau. Gagner notre confiance se mérite et demande beaucoup de patience. Nous flairons longuement l’eau avant de la boire. C’est notre marque de fabrique. C’est notre philosophie aussi.
– J’ai bien vu. Tu mets un temps fou avant d’avaler une gorgée. As-tu des choses à me dire encore ?
– Je veux te remercier de m’avoir extirpée de mon pré carré. J’étais bien avec Pomponette et Lilou la chèvre. La routine. Celle-ci nous condamne à une vie sans saveurs. Mais voir du pays quel bonheur. J’ai pu échanger avec mes frères et sœurs. Je ne suis pas la plus mal lotie. Crois-moi. Certains vivent de vraies galères.
– Changer d’air nous ventile les neurones. Nous redonne de l’élan pour autre chose. Les aprioris tombent un à un et sans regrets. Nous devenons plus tolérants et moins exigeants envers les autres.
– C’est bien vrai. Une chose me turlupine mais je n’ose pas t’en parler. C’est très intime. Personnel.
– Intime ! Personnel !
– En quelque sorte.
– Mais parle enfin. Je t’écoute. Qu’est-ce que tu veux dire par intime et personnel.
– C’est une négligence de ta part envers moi.
– Une négligence ! Explique-moi. Je ne peux pas deviner.
– C’est délicat. Je crains que tu te moques de moi.
– Vas- y, merde. Lâche le morceau.
– C’est bien de parler ainsi. Je vais me libérer. Te parler. Lâcher le morceau comme tu dis. Quand on marche, il m’arrive d’avoir envie de crotter et plus encore. Je veux m’arrêter pour me mettre en posture et lâcher le trop plein. Tu crois que c’est juste pour m’amuser que je ralentis. En fait j’ai besoin d’être en bonne condition. Et toi, tu tires sur la longe comme un malade pour me rappeler que l’on doit avancer. En condition normale je fléchis les antérieurs puis me relâche en toute quiétude sans en mettre partout. Ça te ferais plaisir quand tu chies dans les bois que l’on te tire les bras. Imagine la scène.
– C’est bien cela ton souci. En effet c’est très intime. Pourquoi tu ne me préviens pas ?
– J’essaie mais tu continues à marcher comme un dingue obstiné à arriver à l’heure quelque part. N’aurions-nous pas le temps de nous arrêter une seule minute ? C’est peu. Non ?
– Excuse-moi Cabotte de ce désagrément. La prochaine fois, je me retournerai pour te demander pourquoi tu ralentis. Je te le promets.
– C’est bien mon Maître. Je n’ai rien d’autre à ajouter.
– Moi non plus.
Ainsi se termina ce bref bilan des jours passés ensemble sur une note scatologique de bon sens. Dans la vie faut parler des choses les plus incommodantes. Mêmes les plus chiantes…

 

Le soir je retrouve Petit-Louis. C’est un ami de longue date. Je l’aime bien Petit-Louis. C’est un être délicat sous des aspects un peu raide aux premiers abords. Je l’ai toujours connu comme cela. Il a un humour réservé et décalé à décoder parfois. Maintenant je comprends ce qu’il veut dire. C’est assez logique. Il est venu de Perpignan juste pour moi. Il n’a pas fait beau temps. C’est bien dommage surtout pour lui. Nous avons été au restaurant. J’ai mangé la côte de porc la plus fabuleuse de ma vie. Elle était épaisse et tendre. Pour une côte de porc c’est rare. Quel est donc le mystère de sa cuisson ?


J’ai dormi dans un abri agricole et lui dans son camping car. Merci de ta visite Petit-Louis.

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