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Les doutes éphémères de Cabotte.

Le 21 Juillet 2019 Vioménil.

Un début de journée tranquille à marcher sous les arbres.

Les sentiers étaient faits d’étroits tunnels d’arbustes dans une forêt de feuillus épaisse. C’était encore frais et très agréable. Nous en profitons avec ma Cabotte. Une fois sortis, la chaleur nous a sautés à la gueule comme si nous ouvrions une porte de four à 40 degrés. C’était impressionnant. J’exagère à peine. Je décide de m’arrêter au premier village rencontré. En pleine chaleur je débranche ma boîte à penser. Je me concentre pour faire le vide dans ma tête. De temps en temps je jette un coup d’œil sur ma Cabotte. Elle est aussi est en version libre. Je le sais. Quand elle marche ainsi elle est régulière comme un métronome. Elle me suit sans se poser de questions. Sans se lamenter. Je la laisse donner le rythme. Nous nous rythmons mutuellement en silence. Nous avançons malgré cette chaleur insupportable.


Une habitante du village nous conseille d’aller voir le maire pour nous installer. Elle nous a conduits chez lui. Il accepte sans souci. Je me retrouve dans un espace vert au-dessus de la source officielle de la Saône. C’est un filet d’eau sortant d’une sorte de fontaine aménagée, puis courant sur une centaine de mètres dans une sorte de caniveau jusqu’à un immense lavoir.
La dame accompagnée de sa petite fille m’apportent une bière et des pommes pour Cabotte. Je les remercie. Ça tombe bien. J’avais soif.
Ensuite je m’allonge sur mon tapis de sol. Je m’endors aussitôt. Lorsque je me réveille Cabotte était près de moi. Elle me regardait avec ses grands yeux noirs plein de bienveillance. Je crois, à bien l’observer, y déceler une pointe de malice.
– Ô mon bon Maître vous avez bien dormi. Vous aviez l’air d’être loin d’ici. Certes vous étiez là, bien tranquille, allongé, assoupi; mais visiblement ailleurs. C’était bizarre comme ressenti.
– Je ne sais pas. J’ai l’impression que tu as des choses qui te chiffonne ma douce Cabotte. Dis-moi, je pourrais peut être te répondre. Je vais bien. Crois-moi.
– Voilà. En vous regardant je me suis demandée ce qui vous avez poussé à partir si loin pour si longtemps. Cette réflexion m’est apparue comme une évidence. Je m’interroge encore.
– Je suis parti car j’en avais envie depuis fort longtemps. Ce n’était pas une lubie mais une nécessité à réaliser ce périple. Si je ne l’avais pas fait, je me le serai reproché tout le restant de ma vie. J’en suis sûr. Il faut faire les choses quand elles sont mûres, bien pensées, réalisables, etc. Quand on est prêt, il faut oser se lancer. Si tu attends trop longtemps tu trouveras toujours une raison valable pour ne pas le faire. J’étais prêt. Je suis parti. J’étais en pleine forme. Pas très effrayé.
– C’est tout de même particulier.
– Qu’est-ce qui est si particulier ma Cabotte ? Parle, approfondis, va plus loin, dis-moi ce qui traîne dans ta tête. Un peu inconscient.
– Aussi longtemps. C’est presque une vie. Une ineptie. Quitter les personnes que l’on aime. Ce n’est pas naturel. Il me semble que…
– Que quoi ma Cabotte. Tu hésites !
– Que vous vous êtes enfui. Que vous partiez comme si vous ne vouliez plus assumer quelque chose.
– Comme un irresponsable ?
– Non pas comme un irresponsable. Cela ne vous ressemble pas. Mais comme quelqu’un qui ne veut plus assumer quelque chose.
– Ce quelque chose est trop vague. Me fâche dans ton discours. Sois plus honnête, plus précise, plus crédible. Fais un effort tu vas trouver le mot juste, l’idée forte, le sentiment éclairant. Parle. Je t’en supplie.
– Je ne sais pas moi. C’est compliqué à définir. Difficile à saisir.
– Ô ma douce Cabotte je te sens un peu perdue dans tes propos. Je vais t’aider. Oui j’ai fui comme tu dis quelque chose. Plusieurs choses même. J’ai fui le quotidien, le ronronnement des jours qui se suivent et se ressemblent. J’ai fui pour me relancer et rester vivant auprès des êtres proches qui m’entourent. J’ai fui une forme de lassitude ankylosante qui m’enveloppait insidieusement. J’ai fui pour aller voir ailleurs ce qui s’y tramait. J’ai fui pour m’enrichir de ce que je ne connaissais pas. J’ai fui pour rencontrer l’impromptu visiteur du jour. J’ai fui pour comparer ce que j’avais sans le savoir. Pour me rendre compte. Peut-on me le reprocher ? Est-ce un acte d’égoïsme flagrant comme le pensent certains ? Cabotte, ma douce Cabotte peux-tu répondre à ces questions ?
– Ô mon bon Maître je reconnais en vous le fin pédagogue que vous êtes. Dans vos subtiles questions que vous m’avez adressées les réponses y sont induites et parfaitement audibles. Je vous prie de m’excuser d’avoir douté un court instant de vous. De la pertinence d’un tel projet. De votre honnêteté envers vous même et les autres.
– Je te remercie ma douce Cabotte. Je dois t’avouer que parfois je serais mieux à la maison. Comme aujourd’hui par exemple. Je vais continuer. Je l’ai voulu ainsi juste pour le plaisir d’aller jusqu’au bout de moi-même. Et avec toi ma Cabotte. À tous les deux on a la capacité de retourner la terre entière, à vider les océans et aplanir les montagnes.
– Rien que cela ! Je vous suis mon bon Maître. Maintenant je suis rassurée. Moi aussi j’ai envie d’aller jusqu’au bout de cette histoire. Je mettrai tout mon courage et mon énergie à votre service.
– Je n’en doute pas ma Cabotte. Je vais te chercher de l’eau à la source de la Saône. Peu de tes semblables auront eu cette chance.

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