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Le bar à Pépé.

Le 27 Juin 2019 Les-Hôpitaux-Neufs.

Nous arrivons au village en fin de matinée.

La journée fut bonne et tranquille. J’entre dans un bar, m’installe à une table, commande un café. Je m’assieds à un endroit stratégique, dans un coin de la salle, afin de bien voir les légendes vivantes de ce bar populaire. La sempiternelle routine de ces gens qui s’assemblent autour d’un café ou d’un ou plusieurs verres suivant l’avancée et l’heure de la journée.
Il y avait les habitués accrochés au comptoir comme des sangsues. Une poignée de valeureux irréductibles se chambraient bon enfant. Chacun y allait de sa blague ou anecdote du jour. On y commentait tout dans le désordre le plus imprévisible (sport, politique, rumeurs locales, faits de société, etc.) avec détermination mais sans chercher à convaincre l’autre. L’autre n’étant pas un inconnu. L’autre étant déjà bien catalogué pour ses frasques et opinions irréversibles.
Ils ont aperçu ma Cabotte. La surprise fut totale et enclencha une foule de remarques hilarantes et classiques sur les ânes. Je les écoutais sans intervenir laissant faire ce déversement de stupidités pas vraiment méchant sur le fond. L’ignorance leur sied si bien. Les ânes ne laissent jamais les personnes indifférentes. Et ma Cabotte n’est pas en reste.
Un homme sortit voir Cabotte, revint au comptoir puis invita un de ses collègues (le plus virulent et peut être le plus bourré de tous) à venir lire la phrase inscrite sur mes sacoches « je ne suis pas plus sot que tu n’es bête ». Lorsqu’il revint au comptoir, l’âne devint subitement l’animal le plus extraordinaire de la planète terre. Parmi tous les éloges entendus: l’âne, de têtu, devint redoutablement intelligent. Revirement aussi inattendu que sincère.
Près moi un couple buvait tranquillement un café. Ils m’en offrirent un. Je leur contais mon histoire. Ils m’écoutaient avec attention. Je leur expliquais que j’allais à la recherche d’un endroit pour la nuit. Qu’à cela ne tienne, Bernard alla voir Pépé le patron du bar. Celui-ci partait en vacances le lendemain. Il m’indiqua l’endroit où je pouvais m’installer. Derrière chez-lui. C’était très bien.
Bernard et Nadia m’invitèrent à manger chez-eux. Nadia très attentionnée voulait me faire plaisir. Elle a su largement améliorer mon quotidien. Le soir nous avons eu beaucoup d’échanges. Nous avions avec Bernard des points communs sur le plan professionnel. Il était éducateur sportif : j’ai été éducateur spécialisé. Il avait été éducateur de rue : moi aussi sur une période très courte à Asnières. Nous avons travaillé à l’association Espoir à Vitry-sur-Seine. Pas en même temps bien sûr. Mais quand même ! Quelle drôle de coïncidence. Nous étions faits pour nous rencontrer.
Il pratiquait et enseignait les arts martiaux (4ème DAN de karaté Do et instructeur de Krav Maga). Ce n’est pas tout, il écrit de la poésie et organise des ateliers d’écriture en prison. Il me confirme que la poésie libre est un fantastique exutoire pour les personnes incarcérées. Ils peuvent ainsi en quelques mots relater ce qu’ils ressentent et vivent au quotidien : le vide de l’enfermement, la solitude, l’espoir, la violence, la haine, les appels du monde extérieur, les manques de la famille, les attentes, l’évasion mentale, les regrets, etc.
Il m’a donné un de ses bouquins : « Les résonances en caisse » de Bernard Thaumiaux, éditions Persée.

C’est un bouquin de poésie sur les sensations qu’il a ressenti lorsqu’il pratiquait la boxe anglaise. Phrases courtes, incisives, brutales, douloureuses et aussi apaisantes. Un mélange de sueur, de doutes, de coups donnés et reçus dans un étrange combat; combat contre soi en combattant l’autre. Une décharge d’adrénaline. Aller jusqu’au bout de ses forces, de son courage. S’accrocher aux cordes. Ne jamais renoncer. Rester debout. Etre un vainqueur. Accepter la défaite.

 

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