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Du frigo à la canicule.

Le 25 Juin 2019 Mouthe.

Nous arrivons à Mouthe en fin de matinée.


Il fait très chaud et lourd. Mouthe n’est pas qu’un frigo, même si l’hiver les températures peuvent afficher des moins trente à vous figer en statue pour la journée. Nous entrons à peine au village qu’un couple nous aborde. Elle et lui sont enchantés de nous rencontrer. Ils s’intéressent au projet. Sans que je demande quoi que ce soit ils nous proposent de rester chez eux pour la nuit. Je leur explique qu’il nous faut un bout de terrain pour Cabotte. Je vais voir le jardin pour voir si c’est possible pour Cabotte. Il ne faudrait pas qu’elle leur mange toutes les fleurs ou leur boulotte les arbres. Surtout les fruitiers. C’est en fait une ancienne école primaire privée transformée en maison d’habitation. Cabotte sera dans la pelouse de la cour de récréation et moi sous le préau. En cherchant mon petit carnet de note dans ma sacoche ventrale je m’aperçois de la perte de ma carte bleue. Vent de panique à bord. Où ai-je donc perdu ou mis ma carte bleue ? Je cherche en défaisant avec minutie tous les bagages. Rien. Ma carte comme mon portable sont habituellement dans ma sacoche ventrale, une place bien précise que je vérifie régulièrement avant de partir. Là plus rien. Il y a deux jours je l’ai vue dans ma sacoche bien à l’abri. J’étais furax contre moi-même.
Franck me propose de me ramener à l’endroit où j’avais ouvert ma sacoche pour saisir mon portable. Je n’y croyais pas, mais on ne sait jamais. Là aussi rien. Je rentre et décide de faire opposition sous les conseils avisés de ma Mamaou. C’était plus prudent. Dans quinze jours trois semaines j’en aurai une autre. Et j’aurai oublié cette mésaventure.
Perdre sa carte dans un périple comme le mien c’est je dirais handicapant pour payer ses dépenses quotidiennes. Ça nous évite aussi d’avoir beaucoup de liquide sur soi. Aujourd’hui avec une carte bancaire on paye beaucoup de choses, même de petites sommes ridicules. La monnaie dans quelque temps va certainement disparaître de la circulation. C’est très pratique.
Je n’en parle pas à Cabotte. Elle pense comme beaucoup d’autres que je suis tête en l’air. Alors je me tais, garde et rumine en moi la perte de cette « pu…. » de carte. Ça me gâche mon après-midi. Je voulais écrire. Pas une seule ligne n’est sortie de ma tête. Elle était ailleurs. Ce que ne savent pas ceux qui doutent de moi, c’est que je suis très rigoureux. Je m’impose une vraie discipline. À force de faire et défaire les sacs j’ai une certaine expérience du rangement et des réflexes de contrôle là où les choses doivent se trouver. Je le fais quotidiennement mais il arrive parfois des manquements ou des égarements à cette discipline.
Pendant ce temps Cabotte promenait dans le jardin cour de récréation les enfants d’Adélaïde et Franck plus un autre enfant venant de l’extérieur, un voisin ou un ami de la famille. Cabotte assurait comme une grande sans rechigner à la tâche. Les enfants étaient heureux et Cabotte se sentait encore plus aimée. C’est une affective. Il est interdit de la décevoir. Comme tous les affectifs de la planète. La moindre sensation les fait tressaillir. Elle a de la mémoire…
Le soir grillades, légumes variés et pour mon plaisir une méga salade de fruits. Les fruits me manquent. De temps en temps je m’en achète de plusieurs sortes et les mange dans la foulée. Certains sont fragiles et s’écrasent dans le sac. De plus ils sont lourds à porter. Le poids est devenu une obsession.
Comme un jour m’a dit Cabotte alors que je la bâtais.
– Même le noyau le plus insignifiant d’une cerise fait un certain poids. Donc pas de charge inutile.

Cette famille me donne l’impression de déjà vécu avec eux. Comme si nous nous étions rencontrés avant. On est tellement à l’aise chez eux. Belle soirée d’échanges et d’analyses sur des sujets de société. Il y a beaucoup de choses à dire.
Le lendemain au petit déjeuner ils me disent ces quelques mots simples et sincères.
– C’est bien que tu te sois arrêté chez nous. Tu nous as changé les idées, coupé de nos habitudes. Cela nous a fait du bien. C’était bref mais intense. C’était très sympa et inattendu. Bonne continuation.
Cela m’a touché et d’une certaine façon je me suis dit.
– Si je peux apporter un peu de surprise et partager mon projet sur l’instant présent, j’ai atteint ce que je voulais avant de partir. Cela reste éphémère mais interroge sur le fond.
Le lendemain, Frank et l’ainé des enfants (qu’il me pardonne j’ai oublié son prénom) sont venus m’accompagner jusqu’à la source du Doubs.

L’eau jaillit avec force d’une grotte. C’est très spectaculaire. Je les ai quittés ainsi en gravissant le sentier près de la source. Je me suis retourné et j’ai vu le gamin dans les bras de son père. Adelaïde m’avait dit que son fils était un hyper sensible … Je ne sais pas ce qu’ils se sont dit.

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