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De la truite, de la truite, encore de la truite…

Le 19 Juillet 2019 Xertigny.
Pisciculture du Frais-Baril.

Une belle journée de marche propice à la flânerie. Aucun souci d’orientation ni physique. Rien. Un vrai plaisir de marcher ainsi. Le mental était au beau fixe. Que demander de plus à la vie.

Nous sortions d’une route très poussiéreuse due à une sortie de camions venant d’une carrière, lorsque j’aperçois en contrebas un bâtiment et en aval des retenues d’eau en grappe le long d’une sorte de petite vallée bien verte. Plutôt rare en ce moment. Je ne savais pas ce qui se cachait dans ce lieu si attirant. Il me paraissait idéal pour nous poser pour la nuit.


– Cabotte, qu’est-ce que tu en penses si on passait la nuit en bas ?
– Je n’en pense rien. Je vous suis ô mon bon Maître. Je m’en remets à vous. Votre choix sera aussi le mien.
– Ça nous rallonge le parcours d’un kilomètre à peine. Le risque est limité. On tente ma Cabotte ?
– Allons-y. Qu’est-ce qu’on attend ?
La voilà qui passe devant en claquant des sabots. Comme une reine aux talons hauts. Cela signifie qu’elle a vraiment envie d’en finir au plus vite. Elle est pressée que je lui ôte son barda.
Nous dévalons le chemin en peu de temps, en quelques enjambées légères et motivées. Une belle fin de journée de marche.

Arrivés en bas j’interpelle un homme en train de travailler dans une sorte de garage. Il lève la tête puis me demande.
– C’est pour quoi ?
– C’est à vous cet abri et cet espace de verdure ?
– Oui c’est bien à moi.
– Je pourrais m’installer pour la nuit ?
– Allez y installez-vous. Vous serez bien. Personne ne viendra vous déranger.
Mikael est pisciculteur. Les fameuses retenues que j’avais repérées sont de grands bassins grouillant de truites. C’est un lieu où vous pouvez les pêcher à la ligne. Ensuite vous les faites peser et les payez à Mikael. C’est le plaisir du pêcheur que de capturer, assez facilement, les truites du repas du soir ou pour remplir les congélateurs pour les plus mordus. Certains repartaient avec plusieurs kilogrammes de poissons. Impressionnant. C’est un passe-temps gratifiant demandant peu de patience. Les lignes ne cessaient de se lever… un vrai miracle. De temps en temps Mikael versait des seaux de poissons dans le bassin pour satisfaire les pêcheurs râleurs. Je trouvais cela marrant.

Michael revient me voir.
– Vous avez mangé ?
– Non pas encore.
– Vous aimez la truite ?
– Je n’en mange pas tous les jours. En réalité je ne connais pas vraiment. Je ne sais même pas quel goût a une truite.
– Vous attendez une heure, je reviendrai. Je vais vous préparer un bon repas avec des produits maison ; de bonnes truites farios de ma consommation personnelle. De ma réserve.
Ces truites-là n’avaient à mon avis rien à voir avec celles de nos pêcheurs invétérés. Elles étaient élevées aux petits soins avant de finir dans son assiette. On n’est jamais mieux servi que par soi-même. N’est-ce pas ?
Le voilà qui revient avec en amuse-gueule un pâté de truite, puis un feuillet de truite, suivi de deux truites en papillote cuites sur un barbecue. C’est d’ailleurs Mikael qui me les a faites cuire voyant que j’étais très embarrassé sur le temps de cuisson. L’ensemble accompagné d’une bouteille de vin rouge. Vin bleu (pourquoi bleu ?), coteau de Montfort. Vin bleu en réalité rouge. Cette bouteille je l’ai partagée avec des personnes qui étaient à une table voisine. Ils venaient juste de terminer leur repas. Je ne pouvais pas la boire tout seul. J’aurais été dans un triste état. À plusieurs c’est plus sympa et convivial. Seul c’est suicidaire.
Moi qui ne connaissais pas le goût de la truite. J’étais bien servi. C’était très bon et appréciable. Surtout que c’était totalement inattendu. Pour le dessert rien. Ce n’était pas la peine. J’étais enflé et lourd comme une abeille chargée de pollen. Mais je suggérerais à Mikael de présenter à ses clients en fin de repas un sorbet aromatisé d’un soupçon de truite confite. Une première. Un truc de ce genre. Ce doit être possible. Non ?
Le lendemain j’ai revu Mikael accompagné de sa belle Hélène. Ils venaient nous dire au revoir. Et Michael de me dire en parlant des pêcheurs qui attendaient l’ouverture de la pisciculture.
– Ils sont là depuis 7h30 au moins. Tu sais pourquoi ?
– Non. Mais je vais savoir.
Dans un large sourire plein de malice il me répond.
– Tu vas voir, dès que je vais ouvrir le portail, ils vont se battre pour avoir les meilleures places autour du bassin. Celles qu’ils considèrent les meilleures ! Bien sûr. Chacun a son idée sur le sujet.
Effectivement je les vois à la queue leu-leu, dans l’ordre embrouillé d’arrivée, se placer d’un pas faussement lent et détaché dans des emplacements bien repérés à l’avance. Toute une stratégie en douceur et respect de l’autre très efficace… En dix minutes ils étaient à leur poste. La ligne prête à l’emploi. Le regard bien droit.
Impatients, ils attendaient les seaux de truites larguées généreusement par Mikael.

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