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Autant en emporte le vent

Le 28 Mars 2019 Sorèze.

Un vent d’autan nous a accompagnés durant presque trois jours. Une prise de tête pour Cabotte et moi.
Nous marchions vent arrière, lorsque qu’une rafale emporta au loin ma pauvre casquette. On aurait dit une feuille morte tombée par erreur en automne. Elle est partie en roulant sur le bitume comme si elle savait où elle allait. C’était impressionnant. Je décide de lâcher la longe. Et voilà ma Cabotte qui part en sens inverse comme si elle savait où elle allait. Vent de face ! Elle trottait comme jamais je ne l’avais vue faire. Dois-je rattraper Cabotte ou récupérer ma casquette qui n’en finissait pas de s’éloigner ? Grand dilemme ! Brusquement à cinquante mètres de moi la casquette ivre de tourner dans tous les sens s’immobilise. Une chance. Je cours la récupérer avant qu’elle ne s’envole définitivement et que je ne la retrouve plus. Je l’emprisonne sous mon coupe-vent. Enfin une de rentrée au bercail.
Je me retourne et ma Cabotte vent de face courait sans se retourner. J’étais fou de rage. Rien à faire. Au bout d’un moment, trop long à mon goût, elle stoppe net.
Je la siffle et l’appelle ; et la voilà en sens inverse courir comme une folle. Le barda bougeait dangereusement de gauche à droite. Il allait y avoir de la casse. J’imaginais le pire. Elle courait comme s’il n’y avait plus les quarante-cinq kilos sur le dos. Une vraie gazelle chancelante. Je me mets face à elle. Elle ne va quand même pas me renverser comme dans un jeu de quilles ! Elle s’arrête juste devant moi. Je lui décoche deux grosses baffes réflexes. Un recto verso de bonne famille avec quelques regrets en prime. Elle baisse sa tête et vient se frotter à moi pour se faire pardonner. Elle a eu peur. Moi aussi. Nous sommes libérés. Un peu piteux de nos comportements.

Nous sommes repartis heureux d’être ensemble malgré le vent d’autan.

Parlons-en de ce vent d’autan qui va nous poursuivre pendant trois jours. Il nous pourrit la vie. Il ne cessera donc jamais ? Il n’est donc jamais fatigué de souffler comme un malade à écorner les bœufs, à faire frémir de froid les blés de printemps, à renverser les ânes bâtés, à assécher les terres labourées, à tordre de douleur muette les chênes en bordure des champs et des sentiers, à rendre dingue le plus optimiste des citoyens, à remettre droit des ivrognes invétérés, etc. Une calamité sans nom sous un ciel bleu. Pas un seul nuage à l’horizon. C’est impressionnant et très désagréable à vivre. J’en frisonne encore dans mon duvet tout au fond de la tente.
Dans ces moments-là Cabotte et moi marchons en silence forts de notre collaboration compatissante. Nous ruminons les mêmes choses : « Tu nous fatigues. Retourne d’où tu viens ! Casse-toi ! Ferme ta bruyante soufflerie. Tais-toi une fois pour toute ! »
Et le vent, contrarié par nos pensées négatives… redouble d’énergie.

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