Après la traversée de l’Ardèche, le Rhône.
Le 11 Mai 2019 Châteauneuf-du-Rhône.
Etape tranquille où tout se passe à merveille. Encore une. Je commence à apprécier ces journées et je me laisse aller à vau l’eau. À tel point que je me suis trompé deux fois de direction. Heureusement je m’en suis rendu compte assez tôt.
Nous traversons le Rhône sans difficulté. Le pont était large.
À la sortie du pont un jeune homme fait des signes pour que je m’arrête. Je vais vers lui. Il me demande si je veux un café ou autre chose. Il m’emmène vers des caravanes où résidait une communauté gitane. Après les présentations d’usage de mon périple il me confia à un homme d’un certain âge, certainement le référent du campement. Celui-ci me dit qu’ils sont ici depuis des années. Ils sont sédentarisés. Il fabriquait des paniers en osier pour les vendre sur les marchés et les foires. C’était du travail bien fait. Une camionnette entière en était chargée. Il me vanta l’osier français plus solide que l’osier chinois certes plus facile à travailler mais cassant. Une constatation déjà entendu ailleurs pour d’autres produits.
Mon histoire lui rappelle les années de vadrouille sur les routes de France et d’ailleurs. Il me parle de mille endroits. Aujourd’hui c’est plus difficile et ça pose de vrais problèmes d’autorisation. Ils se sont posés à cet endroit et y sont restés. L’endroit est agréable et une partie des caravanes est sous des arbres. Tout le monde les connait dans le coin. Ils sont acceptés.
Cabotte suscite beaucoup de questionnements. Les demandes fusent et j’y réponds sans trop de détails. Ils sont admiratifs du parcours effectué.
La discussion partait dans tous les sens. Et chacun y allait de ses réflexions plus ou moins sensées. Les femmes étaient là. Elles écoutaient en gardant des distances. Visiblement les hommes avaient pris toute la place possible. Lorsqu’un type, très jeune, s’adressa à sa femme.
– Chérie tu ne trouves pas qu’elle te ressemble. Elle est aussi bête que toi et tu portes moins de poids qu’elle. Je vais te vendre mais j’ai peur de ne pas en faire un bon prix.
Il lui souriait en prenant à témoin les autres. Ils en rigolaient en confirmant et généralisant sur les femmes. Les femmes ceci, les femmes cela. J’écoutais sans prendre position.
Alors sa femme, je suppose, lui renvoie gentiment ces quelques mots.
– Et que ferais-tu donc sans moi ?
Les autres hommes répondirent à sa place.
– Il s’emmerderait comme un chien à tourner en rond autour de toi. Les hommes se moquèrent de lui ouvertement. Les femmes confirmèrent en se marrant en douce.
Le café était bon. Ils me proposèrent de rester avec eux une nuit. Je leur dis que je n’avais pas assez marché aujourd’hui. Il me fallait aller plus loin.
Ils m’accompagnèrent du regard un moment en me souhaitant une bonne route. Ils étaient vraiment très sympas et avenants. Arrêt très inattendu et plein d’enseignements sur la fabrication des paniers en osier et en lamelles très fines de châtaigner.
Ce soir-là j’ai dormi sous un auvent, terrain de pétanque (encore un) et de rugby, à l’abri du vent dans un endroit improbable perdu au fond d’un trou de verdure. Loin du monde. Chez les gitans, si j’avais accepté, je n’aurais pas été seul et nous aurions fait la fête. Je le sentais. Ils étaient prêts. J’avais envie de me reposer.