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Un homme atypique.

02 Septembre 2019 Barrais-Bussolles.

 

Une belle journée. Une de plus.

Nous étions arrivés à l’entrée du village quand un homme d’un âge avancé et alerte nous appréhende. Les années ne semblaient pas avoir eu d’emprise sur lui. Il était content de nous voir et nous l’intriguions. Le projet par lui-même, il le trouvait plutôt sympa mais ce qu’il voulait savoir c’était qui j’étais en tant que personne. En gros ce que j’avais dans le ventre. Quel homme j’étais. Il me posait des tas de questions. Je répondais dans la plus grande transparence. Je n’avais rien à cacher ni à prouver. J’étais celui qui est. Cet interrogatoire fort plaisant m’amusait ; pour une fois ce n’était pas Cabotte le sujet principal, mais bien moi, ma personnalité. J’en étais plutôt flatté. Après avoir pris tous les renseignements nécessaires me concernant il m’annonça d’un ton jovial et engageant.

– J’ai une grande maison familiale, vous pouvez vous arrêter ici. Vous serez seul jusqu’à la fin de l’après midi. Je dois m’absenter avec ma compagne en ville. Ensuite vous viendrez à la maison manger avec moi.

Nous le suivons. Il me montre où mettre Cabotte. Il me désigna une grange où je pouvais l’attendre. J’en ai profité pour m’installer à une table et me mettre à écrire. J’ai aussi rechargé toutes les batteries annexes de mon portable et smartphone. Cabotte tout près de moi vivait sa vie d’herbivore en cherchant (un luxe en cette période) le peu d’herbe, de feuilles, de ronces et d’arbrisseaux sauvages qui trainaient dans le coin.

Lorsqu’ils sont revenus, il est venu me voir. Il m’a proposé une petite balade à pied près de chez lui. J’ai mesuré alors son attachement affectif à cette terre. Celle de ses aïeuls. Ici, c’est son berceau familial, ses racines, son lieu ressource. Il en est fier. Il me raconte ses paysages changeant suivant les saisons. Ils les voient vivre, respirer, se métamorphoser, produire des émotions. Il y possède une ferme et un étang. C’est ici qu’il terminera sa vie. Il ne me l’a pas dit, mais je le suppose. Nous passons près de l’église en réfection. Des ouvriers refaisaient les parements en bois en dessous du toit. Nous pouvions apercevoir la cloche. Il eut une pensée très émouvante du dernier prêtre qui avait vécu dans le presbytère d’une façon monacale « un sacré et attachant personnage ». Il n’est pas rentré dans les détails. De retour, lors de ses diverses missions, il ne manquait jamais d’aller le voir. Une amitié s’était crée au fil du temps.

Le soir je l’ai rejoint chez lui pour manger. Nous sommes restés dans la cuisine. Il m’a fait réchauffer un plat de cassoulet. Un truc bien consistant de circonstance. Nous avons bu du vin rouge. Un vin classique. Lui qui m’avait tant questionné, maintenant je l’écoutais avec une certaine curiosité. Ce qu’il avançait était contrôlé « je ne dis rien au hasard, à l’emporte-pièce, j’y réfléchis avant, je ne sais pas faire autrement, aujourd’hui plus qu’avant, j’ai plus de temps à y consacrer ». Même lorsqu’il était dans la provocation. Un exercice dont il excellait et usait avec maestria et humour. Il savait ce qu’il faisait, de l’effet qu’il obtiendrait. Il en tirait des conclusions. Il était franc du collier et ne ménageait pas ses contemporains. Les humains. Je pense qu’il n’en attendait pas des miracles. Le futur lui paraissait obscur. Il parlait des hommes en termes peu valorisants, des bipèdes perfides, des prédateurs, des gaulois arriérés. Il ne considérait que les gens qui lui résistaient, le surprenaient, l’interrogeaient, l’intriguaient, lui apportaient des nouveautés singulières. Un drôle de bonhomme comme il en existe parfois. Sûr de lui, exigeant, méfiant, provocateur, mais aussi très respectueux et aidant lorsqu’il estimait une personne pour une raison « x » (il fallait le mériter à ses yeux, franchir un cap !), et cela quelle que soit son origine sociale.

Sa vie professionnelle fut intense. Il a parcouru une bonne partie du monde, il allait très souvent aux Etats-Unis et en Allemagne. Il partait, sur des missions plus ou moins longues, installer dans des usines tout un système spécifique de technologie avancée. Son entreprise était pratiquement une des rares à maîtriser tous les process de mise place et de fonctionnement du dispositif. Il fallait donc une équipe d’ingénieurs et de techniciens très pointue en domotique industrielle et robotique. Lui, en était le manager, responsable, devant mener la mission de A à Z, logistique comprise, du départ à la fin du chantier. Il y avait laissé beaucoup d’énergie et de stress. Un échec pouvait coûter une fortune à son entreprise. Il devait s’assurer que tout fonctionne en temps et en heure. Gare aux pénalités. Une belle aventure industrielle de très haut niveau. Aujourd’hui à la retraite, il appréciait et profitait de son patrimoine et de sa campagne retrouvée et tant aimée.

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